Amekaji, Ametora, City Boy

Quand le Japon se laisse influencer

Dernièrement, j’écoutais le Floodcast (podcast humour) et le présentateur Florent Bernard (aussi réalisateur dernièrement de Nous, les Leroy) a eu cette phrase qui m’a paru absurde : “je n’ai pas encore trouvé mon style”.

Ça m’a remis en tête cette idée reçue selon laquelle il y aurait un style pour chacun et qu’il attendrait sagement derrière une porte qu’on le découvre.

Ce n’est pas du tout pour moquer cette phrase. Elle est naturelle. J’ai moi-même longtemps été animé par cette quête.

Mais je pense que la réalité est bien plus décevante que ça. Au début en tout cas, c’est ce qu’on pourrait penser quand on va découvrir qu’on ne trouvera jamais ce style qu’on appelle de nos vœux. C’est un rêve, une chimère.

Et à deux titres.

  1. Parce qu’un style ne se découvre pas un beau jour, il se travaille. C’est à force de comprendre comment les vêtements tombent, comment son corps est foutu, quelles couleurs nous vont mieux, quelles couleurs on préfère etc. etc.

  2. La deuxième chose c’est que c’est très rare d’adhérer à 100% à un style vestimentaire pré-établi. Et d’ailleurs, selon moi, ça se rapproche plus du cosplay, d’être 100% rock blouson noir, jean noir et boots, d’être workwear jean brut japonais, Red Wing et henley etc.

Et c’est pour ça que j’aime le style Ivy et même encore plus son développement plus récent, le style City Boy.

Sur la naissance et le développement du style Ivy (mais aussi sur les tendances en général), je ne saurais que trop vous recommander la série d’épisode du podcast Article of Interest intitulée “American Ivy”.

Je n’en suis qu’à l’épisode 2 mais je suis sans voix.

On y trouve notamment le toujours très pertinent Derek Guy de Die, Workwear!

Bref, je voulais vous parler un peu du style “City Boy”, qui est un terme employé par Popeye Magazine dès sa première édition en 1976 - son slogan étant “Magazine for city boys”.

Si vous voulez voir du preppy/ivy appelez-le comme vous voudrez, vous n’avez qu’à zyeuter l’ancien rédacteur en chef du magazine Takahiro Kinoshita.

Je vous montre ce qu’on entend par ce style.

On a vu avec l’excellent livre de W. David Marx, Ametora: How Japan Saved American Style toute la passion des Japonais pour le style américain. Le premier signe de cette passion, c’est peut-être le célébrissime (parmi la communauté) livre Take Ivy.

Spoiler : on apprend dans le chapitre 2 du podcast Article of Interest, dont je parlais plus haut, que ces photos sont mises en scène.

En fait, très peu d’étudiants s’habillaient vraiment comme ça.

Quand je l’ai appris, j’ai bugué pendant deux bonnes minutes.

Kensuke Ishizu a fondé plus tard la marque VAN inspirée directement par le style Ivy League.

Je vous conseille la lecture d’Ametora, vraiment. Toute cette histoire y est racontée en détail.

Ivy et City Boy ne sont pas synonymes

Le style City Boy puise ses racines dans le style Ivy car on y retrouve cette fascination pour l’Amérique bien sûr et toutes les pièces fétiches du style Ivy (sweatshirt, chemise oxford, chino, loafers etc.).

Mais une première différence est que le city boy est plus casual.

Les coupes sont plus amples et le sportswear est omniprésent.

Peut-être que c’est la différence qu’il y a entre Ametora (plus preppy classique) et Amekaji (= American Casual).

La deuxième différence c’est que ce n’est pas qu’une interprétation japonaise de l’americana. C’est un mélange de western prep, de culture skate, de sportswear, de style Ivy bien sûr, de militaria et de workwear français et anglais.

Bref, des influences occidentales à la sauce japonaise. Voilà ce qu’est un véritable style pour moi. Aller puiser à droite à gauche et ne pas cosplayer une seule influence.

Sachant que l’Ivy a largement trouver son inspiration vestimentaire en Angleterre, on a quand même ici un sacré jeu d’influences communes.

C’est la beauté des vêtements que ceux qui les appellent “chiffons” ne saisissent pas.

Et avec tout ça, je le disais tout à l’heure, le style City Boy prend parti pour l’ampleur. J’ai vu des silhouettes qui allaient de l’oversized au carrément trop grand.

Ça rappelle même les vêtements traditionnels japonais.

Portrait of High Court Officer. About 1880's, Japan, by Ogawa, Isshin. Smithsonian Institution, Freer Gallery of Art and Arthur M. Sackler Gallery Archives

Dans l’armoire du City Boy

La palette de couleur

Il n’y a pas de couleurs criardes. Souvent, c’est du navy beaucoup associé à du vert d’ailleurs. Les pantalons sont olive, marine, beiges ou crème. Les chaussures habillées sont noires ou marron foncé. Sauf si ce sont des sneakers et à ce moment-là ce sont des New Balance grises.

Les hauts hors outerwear sont bleu ciel ou blanc.

Les matières

Je suis toujours frappé par le fait que c’est à 90% du coton qui est porté. Du coton ou alors des matières techniques type nylon ou polyester. Ces deux dernières étant bien sûr un héritage de l’outdoor.

Et ce coton est plus souvent brillant que mat. Dès que je vois une photo d’un city boy, j’entends directement le bruit du tissu qui frotte. Un peu comme quand on est en combinaison de ski. Enfin c’est ce que je m’imagine. Car toutes les matières ne sont pas brillantes et craquantes.

On note aussi que le layering souvent compliqué fait partie intégrante de ce style.

Les pièces fétiches :

La chemise oversized bleu ciel (à motif ou non)

Le petit col roulé en coton porté comme un t-shirt sous une chemise

Le t-shirt manches longues

Le chino ample en coton crème et beige (au-dessus)

Le sweat d’Université (ou non)

Le fatigue pants ou tout pantalon militaire vert olive

Les New Balance Made In USA

De l’outerwear très technique

Des marques pour creuser le style City Boy :

Quelques influenceurs dans ce style :

Merci à Percia Verlin de m’avoir mis sur la piste et donné les clés pour comprendre un style que je voyais souvent, sans vraiment savoir d’où il venait. Bravo pour le gros travail et la passion qui transparaît dans chaque vidéo.

J’espère que cela vous a plu. La bise.

Jordan