H&M et Levi's, même combat ?

(C'est quoi la qualité ?)

Mon pote Charles m’a posé une question.

Et j’ai trouvé que c’était une sacrément bonne question. Pour les gars comme moi qui évoluent dans le milieu de la mode masculine, on a eu l’occasion de se la poser cette question, plusieurs fois et même d’y répondre avec plus ou moins de détails.

Mais parfois, je perds de vue que ce n’est pas le cas de tout le monde. Et la question de mon pote est légitime. Elle mérite une réponse détaillée. Et je la donne dans l’épisode de mon podcast Menswear Family :

Ça c’est avec Apple, sinon il y a Spotify, Deezer (même si la plateforme est toujours plus lente à remonter les épisodes) ou toute autre plateforme que vous préférez.

D’ailleurs pour l’occasion, j’ai refait le logo. J’espère qu’il vous plaît. :)

L’idée de cette newsletter, c’est de pouvoir apporter un support visuel au podcast et également de compléter et nuancer le propos.

H&M et Levi’s, c’est la même qualité ?

Il y a bien longtemps que je n’ai pas eu du H&M entre les mains.

Il y a bien longtemps que je n’ai pas eu du Levi’s (neuf) entre les mains.

J’ai un 501 vintage que je ne porte plus d’ailleurs car la coupe ne me convient pas si bien. Le 501 vintage américain, c’était la promesse de la coupe des coupes, mais finalement… c’est pas vraiment taillé pour moi.

La promesse, c’est ça :

Mais sur moi, ça ne fonctionne pas.

En tous les cas, c’est chose connue que Levi’s n’est plus ce qu’elle était. Les vrais amoureux des vêtements n’achèteront jamais un jean neuf chez Levi’s. Pourquoi ?

  1. Le lieu de fabrication : Levi’s ne produit plus aux Etats-Unis depuis 2003, ni même en Espagne où elle a posé un temps ses valises. Mais en Pologne, Hongrie, Cambodge, Égypte et Turquie. Ce qui leur coûte jusqu’à 3 fois moins cher, pour un prix de vente qui a flambé en quelques années.

  2. Les toiles ne sont plus les mêmes. Il est bien loin le temps où Levi’s se fournissait à la Cone Mills Corporation, cette mythique usine textile. Maintenant, c’est assez opaque. Mais ce qui est clair en revanche, c’est que si les toiles étaient de qualité, Levi’s en afficherait fièrement la provenance sur leur site.

Levi’s n’est plus très vocale sur la partie fabrication. Mais la partie héritage, elle, n’a jamais été bien défendue.

La question :

Est-ce que le poids d’un héritage doit faire oublier la qualité d’un produit ? Est-ce que l’histoire doit primer ?

Non bien sûr.

Et je suis très attaché aux histoires, vous me connaissez, vous savez comment j’envisage les choses.

Mais quand l’héritage se transforme en storytelling, justement, c’est qu’on a perdu quelque chose. L’histoire n’est rien si le produit ne la soutient pas. L’un et l’autre sont inextricables. Sinon, le marketing creux prend le relais et le produit, c’est vous.

Et pour être parfaitement honnête, Levi’s fait encore parfois le pont entre son histoire et ses produits, avec ce jean par exemple :

Pour autant, c’est loin d’être la norme. Ce jean est un produit image destiné à faire vendre le reste de la collection sur laquelle la marque jouit d’une marge bien plus confortable.

On en arrive à H&M à présent. Et on va comparer deux jeans, H&M et Levi’s.

Ça c’est Levi’s. On le reconnaît à ses rivets de cuivre. Qui sont l’invention majeure de Levi Strauss justement. Pas le denim. Pas vraiment cette forme de pantalon. Mais le fait d’avoir apposé des rivets aux coins des poches pour les rendre vraiment solides.

Et maintenant, le H&M :

Les différences :

  • On aurait pu croire que le H&M n’aurait pas de rivets, ni renforts mais ce n’est pas du tout le cas. Il est renforcé de la même manière que le Levi’s, sauf au niveau de la poche ticket (cette petite poche dans la poche servant à l’origine à y glisser une montre gousset, de la monnaie ou un ticket de transport selon l’interprétation) MAIS disons que ce n’est pas la poche la plus utilisée ET quand. on regarde la poche arrière, H&M met un rivet au coin intérieur quand Levi’s n’en met pas.

(Et le Levi’s n’est pas doté de rivets cachés comme ça se faisait à l’époque pour ne pas abîmer la selle en cuir de son canasson.)

Le H&M

Le Levi’s

Et je ne vais pas pousser la comparaison plus loin. Le nombre de points de couture au cm est sensiblement le même. Etc.

Donc oui, pour moi, H&M et Levi’s, c’est kif-kif niveau qualité. Alors, du coup, on dépense moins et on va chez H&M ?

Non. On apprend ce que veut dire un “jean de qualité”

L’éléphant dans la pièce

La durabilité est UNE des caractéristiques de la qualité d’un vêtement. Mais ce n’est pas la seule. Loin de là. Et il y en a une autre, une grosse, qu’oublier en 2024 ce n’est plus possible : l’éthique.

Acheter un jean (et un vêtement en général), c’est mettre un bulletin dans l’urne. Et c’est voter pour une certaine vision du monde.

La mode est la 2ème industrie la plus polluante au monde. On voit les effets du changement climatique tous les jours : les inondations, les chaleurs extrêmes etc. Ce n’est plus de la fiction sur un rapport, c’est la réalité.

Et d’ailleurs, si vous souhaitez entrer dans les détails et aller faire tomber quelques mythes sur le sujet, je vous encourage la lecture de Bon Pote. Qui fait un travaille formidable pour donner à chacun les outils pour comprendre le changement climatique et le bullshit systématique qu’on entend à longueur de temps sur le sujet.

Raisonner uniquement durabilité d’un produit dans le temps n’est pas raisonnable.

Le mot durable, en anglais, se traduit “sustainable”. Et “sustainable” c’est aussi le mot qu’on emploie pour parler de marques qui produisent de manière éthique. (Bien que, on est d’accord, la manière la plus éthique de produire, c’est de ne pas produire.)

Donc, l’aspect durable d’une pièce englobe aussi les personnes qui l’ont fabriquée. Et l’environnement dans lequel elles s’inscrivent.

Je pense qu’il faut avoir cela en tête au moment d’acheter. Et j’irai même plus loin : je pense que, quand on gagne correctement sa vie, ON A LE DEVOIR DE NE PAS ACHETER DE LA FAST FASHION (et je mets Levi’s dedans).

Et je saupoudre d’un zeste de nuance :

  • Je pense aussi que le changement doit venir d’en haut et qu’il ne faut pas accabler le consommateurs avec la responsabilité du changement climatique (donc qu’il faut voter pour espérer voir émerger sa vision de l’avenir car les gouvernements peuvent faire changer les entreprises).

  • Je pense aussi que quand on n’a pas beaucoup d’argent et qu’on utilise la fast fashion comme un moyen de s’habiller et qu’on porte régulièrement les vêtements et qu’on les change quand ils ne sont plus portables, alors on doit avoir la conscience tranquille. Sinon, l’alternative vraiment durable, c’est le vintage. Toujours dans une optique de consommer juste ce dont on a besoin.

Faites ce que je dis mais pas ce que je fais.

En tant que créateur de contenus sur le sujet de la mode masculine, je présente des vêtements et j’en possède moi-même plus que de raison. Ça ne va pas dans le sens de ce que je dis au-dessus.

Oui, mais.

Ces vêtements me servent justement à ouvrir les esprits sur ce que c’est la qualité et si je présente toujours les mêmes, alors cela n’est pas très interessant et donc je toucherai moins du gens. Donc paradoxalement, j’aurais moins d’impact pour faire passer le message qu’on lit plus haut.

J’ajoute que je ne fais la promotion que de marques éthiques. Des marques qui produisent avec des standards de qualité qui sont bien loin des H&M, Levi’s, Replay, Zara etc. Ces marques que je mets en avant, ont une force de communication bien moindre et les rendre plus visibles, c’est pour moi militer pour une autre consommation.

D’ailleurs pour déceler un peu le bullshit de milieu de l’influence, je vous conseille le média paietoninfluence.

Les éléphanteaux qui suivent l’éléphant dans la pièce

Les autres caractéristiques de la qualité et que je donne dans le podcasts sont :

  • la coupe

  • la beauté de la matière (couleur, motif etc.)

  • le confort

Il y a en a d’autres, en fonction des vêtements. Mais ce sont les principaux, sauf oubli de ma part.

La coupe, évidemment, c’est une question personnelle. Mais c’est une question d’habitude aussi. Peut-être simplement que vous ne connaissez pas encore tout le bien que pourrez faire à votre silhouette les coupes plus travaillées d’autres marques.

Et pour la beauté de la matière, c’est vraiment une chose qu’on ne peut pas anticiper avant de le voir.

C’est difficile de se dire que la qualité est une notion qui s’apprend. Que chacun, de manière innée, n’est pas capable de reconnaître immédiatement la qualité de quelque chose.

Parce que, si on se dit ça, ça veut dire qu’on doit se faire avoir ailleurs. Qu’on consomme ou utilise des choses et des services potentiellement chers sans pour autant savoir que leur qualité n’est pas optimale.

Et pourtant, tant qu’on n’a pas vu de ses yeux, touché de ses mains, senti de son nez parfois, goûté peut-être pas !, un jean de qualité alors on peut s’imaginer que l’H&M est aussi bien qu’un jean peut l’être.

Mais il y a jean et jean. Il y a denim et denim.

La patine d’un jean Superstitch

Vous le voyez l’aspect duveteux et en relief de la matière. Comment savoir que ça ressemble à ça un denim de qualité ? Les toiles industrielles qu’on mange à longueur de temps n’ont pas cette âme.

Voilà à quoi ressemble un jean de qualité :

Et ça a la gueule de ce qu’un Levi’s des années 1950 pouvait donner. Ni plus ni moins. Et c’est ceux-là qu’on s’arrache maintenant.

Alors oui, le Superstitch coûte 310€. Et je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut acheter ça et rien d’autre. Car quand on n’a pas le budget, on n’a pas le budget.

Mais il est crucial d’exercer son œil. De voir ce que la vraie qualité signifie. Comment elle s’exprime. Et comme ça, quand vous allez choper votre Levi’s vintage Made in USA sur vinted, vous aurez l’œil pour voir sa qualité. En attendant, un jour de pouvoir vous payer un jean comme le Superstitch, juste pour le goûter au frisson indigo des denims de qualité.

Et ça me fait penser à un dernier point que je veux absolument discuter ici.

L’attache émotionnelle

Je le dis dans le podcast mais il y a cette notion d’attache émotionnelle qu’on sous-estime. Ou plutôt qu’on n'a pas à l’esprit. Voire qu’on ignore si vraiment on n’a jamais mis le prix dans un produit de qualité.

Quand on met le prix dans de la qualité (en dehors des soldes, on paie le prix fort, ça nous fait mal, on a même économisé pour ça) il se passe quelque chose d’insoupçonné : notre attache à ce vêtement passe dans l’irrationnel. Et c’est une bonne chose.

Nous nous sommes tellement impliqués dedans financièrement et psychologiquement, dans l’effort que ça nous a demandé de passer à l’acte d’achat envers et contre notre pulsion interne d’être plus raisonnable, qu’on chérit cette pièce comme aucune autre.

Elle devient particulière à nos yeux. Et ce même si quelques semaines et mois plus tard, on en a oublié le prix ! Malgré tout le déraisonnable que cette somme paraissait à l’origine. Il reste la qualité de la pièce elle-même, la satisfaction qu’on a de la posséder, la satisfaction qu’on a de la montrer et donc tout le soin qu’on ne peut pas ne pas en prendre.

Si bien qu’on ne considère plus les vêtements comme des biens jetables ou consommables comme la nourriture mais plutôt comme des parties respectables de nos vies, qui contribuent à la rendre meilleure et une gratitude s’en dégage, vis-à-vis des personnes qui ont fabriqué cette pièce.

C’est quelque chose de très puissant. Et je vous encourage chacun à connaître ce sentiment.

Il redonne au vêtement un peu de magie. Et ainsi on mesure un peu plus la prouesse que faire des vêtements de qualité.

Les marques dont je parle dans le podcast :

Edwin, TCB, Oni, FOB, Fullcount, Atelier de Nîmes, Superstitch, Orslow, Phi, Resolute, Warehouse, Ironheart, Studio D’Artisan

La bise,