Chronique alcoolique d'un influenceur

(Derrière les filtres Insta)

Je rame depuis ce matin. Et depuis la terre ferme aussi.

J’aurai 35 ans en avril et les cuites du week-end ne frappent plus pareil. Maintenant elles assomment. Elles éparpillent façon puzzle, pour reprendre la réplique d’Audiard.

Et je dis ça alors même que les quantités ingérées sont plus faibles qu’à l’âge d’or de la sacro-sainte fête.

Ça va faire très solopreneur mais je crois bien que l’alcool n’est plus du tout compatible avec mon mode de vie et mes objectifs.

Je viens de me gifler. Mais je ne vais pas tendre l’autre joue parce que…

Un métier qui se fonde sur la créativité, c’est le rêve pour beaucoup. Et je mesure la chance que j’ai de pouvoir vivre sur ma capacité à mettre en mots, en images, en vidéos, en sons ce sujet du style vestimentaire.

Mais ça demande une énergie dingue. Surtout quand on est seul maître à bord. Et il ne suffit pas d’avoir des idées. L’idée, c’est le temps 1. Ensuite il y a sa réalisation.

Il faut :

  • composer les tenues (avec cette impératif d’être toujours un créatif là aussi)

  • écrire le discours pour qu’il soit percutant, narré de manière à garder l’attention

  • il faut ensuite réussir toute la partie technique (la prise de son, la prise d’images, la lumière…)

  • vient ensuite le montage

  • arrive après la publication, avec la promotion adéquate du contenu

  • et pour finir l’interaction avec vous dans les commentaires (et parfois avec des haters)

Bref, beaucoup de métiers différents en un. Et je ne vous parle que de la partie influence.

À côté de tous ces aspects, il y a la partie immergée de l’iceberg : c’est le fait qu’un métier basé sur la créativité vous pousse constamment dans vos retranchements.

C’est un métier qu’on emporte avec soi partout où l’on va. La frontière entre vie personnelle et professionnelle n’existe pas.

Créer du contenu, c’est se mettre à nu, c’est suggérer un socle de valeurs parfois affirmées et parfois perceptibles seulement dans l’infime : un mot utilisé, une manière de se présenter, une habitude qui se voit ou s’entend. Ces valeurs viennent de l’enfance, d’un milieu, de la manière dont on a été éduqué. Il est impossible de les cacher.

Même ! Je dirais qu’il faut les montrer si l’on veut véritablement connecter avec son audience. Montrer un visage humain (son vrai visage) car Instagram lisse, embellit et finalement déforme.

Sachant ça, je pense que chaque créateur de contenu aurait intérêt à aller voir un psy pour être sûr qu’il est bien armé pour faire face à tout ça. Et je dis ça, alors que je n’y vais pas. Je n’en ressens pas le besoin pour le moment.

Mais si tout ça prend de l’ampleur, je pense qu’il le faudra, juste pour assurer le coup, maintenir un niveau de bien-être optimal pour moi et mes proches.

Et puis, comme si ce n’était pas suffisant. Il y a aussi le doute. En permanence, comme un Jiminy Cricket sur l’épaule. Sauf qu’il n’encourage pas, il remet tout en question.

Est-ce que mon idée est bonne ? Est-ce que c’est la manière la plus efficace de parler de sujet ? Est-ce que je suis assez informé sur le sujet ? Est-ce que ça a déjà été fait ? Est-ce que les gens seront au rendez-vous ? Est-ce que je vais continuer à avoir des idées ? Est-ce que… est-ce que… est-ce que… ?

Doublez ce doute d’une bonne gueule de bois et c’est l’aller simple pour un bon moment de déprime, avec perte de confiance en supplément surprise.

C’est un chemin semé d’embûches. Et ça demande une énorme dose de recul sur soi-même ainsi qu’une capacité à être exigeant envers soi-même quand il faut et savoir être indulgent.

Pour avancer sereinement sur ce chemin, pouvoir anticiper ces fameuses embûches, je pense que la gestion de son temps est primordiale.

Dans mon cas, il faut que je me ménage dans mon calendrier des espaces dédiés à l’apprentissage de nouvelles choses sur ma niche, à l’inspiration, au développement de connaissances particulières…

Mais il faut aussi et surtout bien veiller à ne pas vouloir être une machine de travail si on ne l’est pas à l’origine ou si sa vie ne nous le permet pas.

J’ai un enfant, une vie de famille, j’ai besoin de partager des moments avec ma compagne, mes amis, j’ai besoin d’aller au cinéma, aller faire des photos sans but précis. Si je transforme mon quotidien pour viser l’ultra-perfomance dans mon travail, je vais produire beaucoup de contenu et obtenir des résultats mais… je ne vais pas tenir bien longtemps.

Donc il faut savoir s’aménager tout aussi consciemment qu’on le fait pour le travail, des moments qui nous font du bien à nous personnellement et qui soutiennent aussi notre quotidien personnel (passer du temps en famille, prévoir les vacances, avoir des projets personnels, améliorer son intérieur etc.).

Selon moi, sans avoir bien ça en tête, on n’atteint jamais ce qui, selon moi encore, fait le vrai succès : la persévérance.

(Je parle de succès mais le succès peut prendre mille formes différentes. À chacun de lui donner sa définition.)

Toujours est-il que la persévérance est, je pense, la valeur principale qu’il faut avoir pour réussir ce qu’on entreprend. Ce n’est pas le talent. Ce n’est pas la chance. Même si ça aide bien sûr. Mais c’est le travail sur un temps long.

Et ça implique de se créer un mode de vie qui permette de travail aussi dur qu’il est possible de le faire sans compromettre ce mode de vie. Que ce soit compatible avec sa propre réalité (le fait d’avoir une famille, de vivre dans tel endroit, d’avoir une personnalité comme ci ou comme ça…).

Dans les moments comme ce matin, je me maudis. J’ai tant de choses à faire. Tant de choses à planifier. Tant de choses auxquelles j’aimerais réfléchir. Mais je n’en suis pas capable.

Je piétine, je rame, je râle.

Mon groupe d’amis aime faire la fête et avec beaucoup d’alcool. C’est comme ça. Ça fait partie de notre ADN, aussi bête que ça soit. Et je suis le premier à vouloir m’enivrer jusqu’à pousser le bouchon trop loin, souvent.

Alors comment faire ? Arrêter complètement de boire de l’alcool au risque de s’éloigner un peu du groupe ? Il y a évidemment beaucoup de points positifs au niveau bien-être, confiance en soi, épanouissement personnel.

Continuer comme ça, sans avoir de plan précis en tête et gérer les situations quand elles arrivent, comme ce matin ? J’avoue que le sentiment d’être bon à rien me pèse beaucoup et que, je suis arrivé à un âge où j’ai l’envie et le besoin d’accélérer les choses, faire des projets avec du sens, être actif, donner le meilleur.

Boire plus ? Non c’est une vanne évidemment.

Et je parle de l’alcool parce que c’est ma réalité de ce matin mais c’est pareil avec le sport, à l’inverse.

J’en fais un peu, une séance par semaine en ce moment. Mais longtemps je n’en ai pas fait et la réalité, c’est que je suis le cul vissé sur ma chaise 8 heures par jour.

Récemment, je suis allé voir une réflexologue et après la séance (elle manipulait mon dos), elle m’a dit : “vous faites un travail de bureau non ?”. Dans ses yeux, j’ai vu ma mort prochaine, j’ai vu toute ma fragilité et toute l’absurdité de nos métiers numériques.

Je voudrais faire tellement plus :

  • Développer des produits numériques pour aider les débutants à y voir clair dans la mode et comment construire leurs tenues

  • Encore mieux travailler le podcast, trouver des sponsors pour acheter du matériel de pro et emmener le podcast sur un autre niveau

  • Faire plus de contenus gratuits sur Insta et Tiktok. Les idées sont là, il me faut juste l’énergie et le temps pour tout concrétiser.

  • Co-créer avec des marques pour proposer des produits porteur d’une certaine vision du style

  • Créer mes propres accessoires

  • Concevoir des publicités créatives pour des marques (je vais commencer avec Pétrone très bientôt).

Enfin voilà. Un peu plus de 3 mois après m’être lancé dans une activité freelance, cette newsletter dresse un petit bilan qua vous n’avez pas demandé mais qui sensibilise peut-être à ce métier tout récent qui est influenceur.

Il faut encore que j’arrive à me façonner un quotidien pérenne, un quotidien qui soit un allié pour faire tout ce que je veux et me permette de garder un esprit serein pour moi et mes proches.

Si vous voulez me soutenir

J’ai un contrat d’affiliation avec deux marques pour le moment (bientôt d’autres). Et dès que vous achetez quelque chose chez elles en utilisant l’un des liens ci-dessous, je touche une commission.

J’insiste, il faut bien passer par ce lien et aller à l’achat dans le même temps. Si vous y revenez par un chemin détourné ça ne fonctionnera pas. :)

C’est une manière indirecte de me rémunérer pour mon travail, tout en achetant un vêtement dont vous avez besoin. Un win-win comme on dit dans la start-up nation.

Une autre manière de me soutenir est encore et toujours d’enregistrer, commenter, liker et partager mes contenus sur Insta et TikTok.

C’est aussi de mettre 5 ⭐ à mon podcast Menswear Family.

Je trouve que c’est important que vous puissiez voir les coulisses. J’essaierai de le faire de temps en temps.

Trop de gens sur Instagram ne montrent que la face reluisante de ce métier, peut-être en pensant que c’est une faiblesse de montrer l’autre côté.

Pour ma part, je pense qu’on peut se montrer dans sa vulnérabilité et garder sa dignité. Cela peut entrer en résonance avec le parcours de chacun.

Et cela vaut aussi pour les collaborations commerciales comme je l’évoque juste au-dessus.

Certains semblent avoir peur qu’on les juge parce qu’ils gagnent de l’argent avec ce métier.

Pour ma part, je me sens droit dans mes bottes car je travaille avec des marques qui sont alignées avec mes valeurs et que les produits offerts ne paient pas les factures.

Je vous embrasse,

Jordan